Site de recherches sur le général Andoche Junot (1771-1813), duc d'Abrantès, Premier aide de camp de Napoléon. Campagne Egypte, Portugal, Espagne, Russie. Famille de Laure de la duchesse d'Abrantès. Biographie par Sylvain Dubief. Photos Bussy-le-Grand et Montbard.
1 Mars 2019
A peine les cérémonies du Sacre terminées, Junot apprit qu’il était désigné pour représenter la France au Portugal et remplacer Lannes qui, revenu en congé depuis octobre, refusait obstinément d’y retourner en trouvant tous les prétextes possibles et imaginables.
Il ne se sentait pas plus l'âme d'un diplomate que son frère d'armes. Cette mission ne lui plaisait pas. Mais Napoléon tenait à envoyer un soldat vigoureux, plutôt qu’un diplomate ; il voulait s’assurer que sa parole fut bien entendue, et même écoutée : qui mieux qu’un Lannes ou un Junot pouvait remplir ce type de mission, sachant que lorsqu’on parlait au Portugal, on s’adressait également à la Grande Bretagne ?
Junot devait-il accepter cette ambassade ?
Cambacérès lui conseilla d'obéir sans mot dire. Ainsi, le 24 janvier 1805, Junot devint officiellement ambassadeur au Portugal .
Pour notre général, il n'existait de gloires que celles acquises sur les champs de batailles, et non sur les canapés feutrés des salons diplomatiques. Il ne parvenait pas considérer sa nomination comme une promotion... le fruit de son travail d’Arras. Il devait s'éloigner de la France alors que celle-ci était en guerre avec l'Angleterre, et qu'à n'en pas douter la Russie et l'Autriche allaient bientôt entrer dans la danse.
Talleyrand avait eu soin de présenter la nomination de Junot comme une marque particulière de considération ; la lettre officielle qu’il adressa à l’ambassadeur du Portugal à Paris, le comte de Lima, se voulait rassurante : « Le général réussira par son zèle et son bon esprit à maintenir les rapports de bonne intelligence et d’amitié qui existent entre les deux Etats ».
En plus de cette mission officielle, et comme il passait par Madrid, l’Empereur lui en confia une seconde, officieuse celle-ci, auprès du gouvernement espagnol. L’Espagne était l’alliée de la France et Napoléon voulait s’assurer de la participation de la flotte hispanique au projet de débarquement en Angleterre.
Les Junot entamèrent donc leurs préparatifs de départ.
Laure se précipita chez sa couturière pour lui commander une myriade de robes élégantes afin de traverser chaque circonstance dignement... et plus particulièrement, la fameuse présentation à la Cour. Il lui fallait absolument être digne de la fonction de son mari et de la nouvelle France impériale.
La petite Joséphine, affublée de vêtements de garçonnet, serait également du voyage ; mais la dernière-née, la mignonne Constance, encore trop fragile, resterait à Paris, confiée aux bons soins de sa nourrice et de la jeune sœur d'Andoche, Louise, épouse Maldan, qui habiteraient dans leur maison de la rue des Champs-Élysées.
L'ambassadeur de France au Portugal n'en était pas moins général, et, comme à son habitude, il ne pouvait voyager sans une suite : il décida d'emmener avec lui le colonel Laborde , son fidèle aide de camp, un vieil ami, l’abbé Lajard, comte de Cherval et un jeune secrétaire d’ambassade nommé par Talleyrand, monsieur de Rayneval ... sans compter les domestiques.
Le jour de mardi Gras, le 26 février 1805, tout ce petit monde monta dans les voitures arrêtées devant l'hôtel Junot. Les fouets claquèrent : ils partaient pour un long voyage à travers la France et l'Espagne.
Les routes cahoteuses et la saison encore bien fraîche rendaient le périple long et pénible, surtout pour ces dames. Il ne leur fallut pas moins de douze jours pour atteindre Bordeaux. La voiture de la petite Joséphine et de ses deux nourrices versa cinq fois... et celle de Laure se brisa même en arrivant à Tours.
Junot se faisait précéder par des courriers afin d'avertir les populations de son arrivée. Le grondement du canon et des salves de fusils accueillait le cortège officiel dès les premières maisons, puis le maire ou le préfet, debout sur le perron de l'hôtel de ville, déclamait un interminable discours de bienvenue auquel le nouvel ambassadeur s'empressait de répondre avec toute la grandiloquence et l'emphase dont il était capable... Suivaient les dîners et les déjeuners, les bals et les concerts...
Il découvrait le métier de diplomate qui, à vrai dire, avait aussi du bon...