Site de recherches sur le général Andoche Junot (1771-1813), duc d'Abrantès, Premier aide de camp de Napoléon. Campagne Egypte, Portugal, Espagne, Russie. Famille de Laure de la duchesse d'Abrantès. Biographie par Sylvain Dubief. Photos Bussy-le-Grand et Montbard.
8 Juin 2020
"Pontivy, petite cité champêtre, arrosée par les eaux du Blavet que Napoléon voulait canaliser jusqu'à Lorient, était appelée à de haute destinées; déjà l'Empereur lui avait donné son nom et y avait fait entreprendre de grands travaux dont quelques-uns doivent avoir reçu leur exécution. Elle n'est point du reste dépourvue d'agréments, même dans le temps où je m'y trouvais: le Bois-d'Amour, nos parties de vert et de campagne avec les d'aimables familles bretonnes, m'ont toujours fait regretter le printemps que j'ai passé à Pontivy..."
En relisant tranquillement, assis confortablement dans le fauteuil moelleux de mon « bureau », les captivants mémoires du général Hulot[1] que j’avais décidé d’étudier pour mes travaux en cours, je sursautai bien malgré moi lorsque j’arrivai au chapitre concernant l’instruction de l’artillerie cantonnée à Pontivy en Bretagne, rebaptisée à l’époque pompeusement « Napoléonville » : le jeune capitaine Hulot raconte une inspection du gouverneur de Paris, le général Junot !
J’avais complément oublié cet épisode, à tel point que j’en parle à peine dans sa biographie, citant Pontivy parmi les autres villes (Villedieu-les-Poêles, Rennes, Morlaix, Brest, Quimper, Lorient, etc…) des côtes de l’Ouest que Napoléon lui avait ordonné d’inspecter en mai 1807, éloignant ainsi le fougueux gouverneur de Paris et de ses tentations (surtout de Caroline Murat et des jeux).
[1] Jacques Louis Hulot, né le 22 avril 1773 et décédé le 3 mai 1843 à Charleville (Ardennes), général d’artillerie, baron de l’Empire.
Après le camp d’Arras, où Junot avait surpris par ses aptitudes à l’instruction des grenadiers, aucun témoignage n’avait encore décrit son comportement lors des inspections. A ma grande joie, Hulot raconte objectivement son expérience et l’éditeur y ajoute même, en note, une lettre du même capitaine d’artillerie qui conforte la réalité de son témoignage.
Junot ne déçoit pas.
Hulot, comme tant d’autres, apprécie le vrai militaire, perspicace, juste et humain.
Hulot devait former des recrus d’origines étrangères (volontaires ou pas) qui ne comprennent ou ne veulent pas comprendre les instructions.
« Je ne perdis pas de temps pour former ce personnel, et j’eus le bonheur de réussir à ma grande satisfaction ainsi qu’à celle des généraux, entre autres du général Junot, premier aide de camp de l’Empereur, qui vint nous inspecter, nous faire manœuvrer et tirer ».
« J’ai, depuis mon arrivée ici, outre le commandement de deux compagnies très fortes et d’un équipage assez nombreux d’artillerie, celui de toute l’artillerie du camp, vu l’absence presque continuelle du colonel qui en est chargé en chef. Le train et les canonniers, presque tous conscrits, m’occupent beaucoup pour leur instruction. Depuis seulement trois mois que je suis avec eux, je suis parvenu, à force de soins, à les rendre habiles à tous les services de campagne. Je viens de retirer un heureux fruit de mes peines, lors du passage de Son Excellence le général Junot, gouverneur de Paris. Il m’a fait manœuvrer douze bouches à feu en ligne avec tout mon parc : pendant deux heures, j’ai commandé des évolutions à feu en sa présence, et exécuté plusieurs manœuvres qu’il m’ordonnait. Le gouverneur a été très satisfait ; il est venu à pieds (j’étais moi-même à cheval) me faire des compliments, provoqués encore d’un autre côté, m’a-t-il dit, par les rapports satisfaisants des généraux Delaborde et Boyer, sous les ordres immédiats desquels je sers en ce moment. Le lendemain Son Excellence a assisté à nos écoles. Elle pointait elle-même une pièce de huit et tirait fort bien. Nos canonniers ont abattu trois fois le but et coupé le petit centre : nouveaux compliments, et dix louis pour boire aux canonniers… ».
Je n’ai rien à ajouter.