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Junot, Premier aide de camp de Napoléon

Site de recherches sur le général Andoche Junot (1771-1813), duc d'Abrantès, Premier aide de camp de Napoléon. Campagne Egypte, Portugal, Espagne, Russie. Famille de Laure de la duchesse d'Abrantès. Biographie par Sylvain Dubief. Photos Bussy-le-Grand et Montbard.

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Une mission à Lisbonne en mai 1808

L'entrée de du port de Lisbonne

L'entrée de du port de Lisbonne

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Les souvenirs de jeunesse du futur général Paulin lui laissèrent une image bien différente du général Junot que bien d’autres mémorialistes, beaucoup plus sévères :

« Pendant que notre guide nous cherchait un bateau, nous restions stupides d’admiration devant l’embouchure immense de ce Tage dont nous suivi si longtemps les capricieux méandres et que nous avions franchi à Almaras sur un pont d’une seule arche !

Nous étions enfin arrivés ! Nous abandonnions nos chevaux, et la traversée du Tage allait nous procurer un agréable repos. J’avais caressé le doux projet de me délasser en dormant sur mon banc ; mais au lever resplendissant du soleil sur le Tage, mon impression fut trop vive pour permettre à mes yeux de se priver de cet imposant et merveilleux spectacle de Lisbonne étalant en amphithéâtre ses admirables beautés.

Nos rameurs mirent une heure et demi pour arriver au débarcadère, et nous arrivâmes à cette place gigantesque et grandiose, bordée de somptueux édifices, dont le centre est marqué par la colossale statue de Joseph 1er de Bragance.

Tout dormait à cette heure à Lisbonne ; se présenter à l’instant chez le duc d’Abrantès était impossible ; nous résolûmes d’aller réparer un peu notre toilette singulièrement mise à mal par une course enragée qui, pour moi, représentait plus de deux cents lieues.

Le palais royal de Lisbonne

Le palais royal de Lisbonne

Je voulus descendre chez un compatriote que je connaissais depuis longtemps, le colonel de Grandseigne, premier aide de camp du gouverneur général. Je me fis conduire chez lui aussitôt, mais son maladroit valet de chambre m’introduisit directement dans sa chambre à coucher, où il n’était pas seul… Je n’entendis pourtant qu’un léger bruit et ne vis que… presque rien.

Le colonel de Grandseigne, que j’avais beaucoup connu en Piémont, à Alexandrie, quand Junot commandait à Parme et à Plaisance, m’accueillit de la plus aimable façon. C’était un beau jeune homme, qui avait fait un avancement des plus rapides. Ses manières de bonne maison, son éducation soignée, son aménité lui avaient mérité la faveur du duc d’Abrantès et concilié l’amitié de camarades moins heureux que lui dans la carrière. Parmi ceux-ci, trois furent particulièrement aimables pour moi et me rendirent singulièrement agréable le séjour de Lisbonne ; ce furent de Grave, Prévost et de Forbin Palamède, chambellan de l’Impératrice, en mission à Lisbonne pour l’instant.

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Une mission à Lisbonne en mai 1808

Au lever du duc d’Abrantès, nous lui fûmes présentés séparément. Après avoir lu nos dépêches et nous avoir interrogés sur les événements d’Espagne, et notamment notre passage à Madrid, il nous congédia, nous offrant l’hospitalité complète aux palais. Je me rappelle l’effet que me produisit l’admirable déjeuner qui nous fut servi. Au milieu d’une salle à manger somptueuse, une table immense de plus de cinquante couverts, en acajou massif d’une épaisseur démesurée, était couverte des mets les plus recherchés ; les vins les plus exquis se succédaient avec le porto, qui faisait la base de la boisson à cette table vraiment princière.

J’examinai avec curiosité cette réunion des hommes de la conquête ; ces généraux, ces officiers de tous grades confondus dans leurs adulations et leurs flatteries avec les grands de Portugal, avec les anciens généraux d’une Majesté déchue qui, fuyant devant l’armée française, avait été fonder un nouvel empire au Brésil.

Il faut juste être juste : le général Junot s’était emparé du royaume de Portugal ; un autre n’aurait peut-être pas possédé au même degré la vigueur, l’énergie de caractère qu’il eut à déployer avant d’entrer à Lisbonne. Il avait dû lutter contre les éléments déchainés, au milieu d’un pays sauvage, habité pour une population méfiante. Les Portugais, toujours prêts à fondre sur nous, ne voyaient dans notre armée d’invasion que quelques corps éparpillés, arrivant les uns après les aitres, exténués d’une longue route faite au pas de course, dans des montagnes sans chemins, où des torrents impétueux, qu’il fallait franchir à chaque instant sur des ponts improvisés, permettaient de préparer de constantes embuscades.

Il fallut un grand caractère, une puissance de volonté à la hauteur des circonstances pour ne par balancer et maintenir le prestige du nom français avec des troupes sans vêtements, sans munitions.

Entrée des troupes de Junot à Lisbonne

Entrée des troupes de Junot à Lisbonne

Il fallut aussi de l’adresse et du savoir-faire pour paralyser l’action de l’armée portugaise, qui, quelque faible qu’elle fût, était encore numériquement bien supérieure à la nôtre, ne manquait pas de vivre, ni d’armes, et se serait bien battue dans son pays. Son courage ne fut pas mis à l’épreuve ; les chefs furent trompés ou gagnés, et l’Empereur, triomphant sur le Tage grâce à Junot, récompensa ces grands services de son lieutenant en le créant duc d’Abrantès.

Le matin où, pour la première fois, je déjeunai à la table de Junot, il ne me parut pas au-dessous de sa haute situation. Soit habitude du commandement, soit facilité d’un chef de conduire la conversation et de la placer sur un terrain qui lui est favorable, de l’arrêter à son gré pour discuter une question peut-être étudiée à l’avance, je l’entendis parler sagement, et cette fougue, qui lui était naturelle, se trouvait concentrée et cachée sous le manteau de la vice-royauté. »

Les souvenirs du général baron Paulin (1782-1876), Plon & Nourrit, Paris, 1895, pp. 126-129.

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Junot protégeant le Portugal

Junot protégeant le Portugal

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